Tout était silencieux dans le parc qui entourait l’Hôpital. Le noir abyssal du ciel nocturne contrastait drôlement avec le tapis de neige blanche immaculée. Stein s’interrompit pour profiter du calme qui offrait cet univers noir et blanc avant d’y ajouter du rouge. Pendant quelques minutes rien ne bougeait sauf le corps torpide d’un lapin qui remuait faiblement dans la main gauche de Stein. Avec un geste violent Stein brisa la nuque de l’animal et planta ses dents dans la partie douce de son cou.  Des gouttes de sang lui giclèrent dans le visage et la neige se teinta de rouge.

Stein engloutit le lapin entièrement. Son estomac infusé de magique digérait la chair, les organes, la peau et les os également. Non, Stein n’aimait pas « laisser des restes ». S’il fallait tuer un être innocent, du moins il tâchait de tirer le maximum de profit de ce sacrifice. En outre, ce lapin continuerait à exister sous forme énergétique dans le  grand vide de son intérieur.

Après cette petite bouchée Stein se mit de nouveau à contempler le noir et le blanc de ses environs, sauf que cette fois, il n’y trouvait rien d’apaisant. Quelque chose avait changé et Stein se sentit observé. Par curiosité il sonda les parages mentalement afin de détecter celui ou celle qui l’observait, mais ne put rien discerner hors du normal. Pas convaincu, il augmenta sa concentration pour raffiner encore sa perception du flux magique.  Da ! Un faible courant magique à quelques cent mètres de lui retint son attention. C’était comme si quelqu’un avait fait une petite tache sur une peinture et essayait alors de la couvrir en restaurant les couleurs originelles. Quelqu’un ou quelqu’une se cachait de lui – et cette personne se cachait bien, admit Stein. Et pourtant il se résolut à ne pas s’en soucier car il lui semblait tout à fait naturel qu’on mangeait quand on avait faim. Qu’on le regardait seulement, après tout il n’avait fait rien de mal.

Les ombres qui avaient jusqu'à présent recelé son espion crachèrent enfin sa silhouette. Stein reconnut tout de suite Hannibál, le « psychomancien » noir et blanc dont il avait déjà fait la lugubre connaissance lors d’un de ses errements nocturnes. Quelques ombres semblaient suivre Hannibál tandis qu’il approcha Stein…comme si elles voulaient le réclamer et lui interdire de sortir de leur royaume. Qu’une fiction ?

De toute façon la seule présence de cet homme inspirait à Stein un profond malaise…et une excitation inattendue que Stein ne sut pas s’expliquer. Stein connaissait ce mélange d’horreur et de fascination de son enfance quand il lut Dan Shocker’s Macabros pour la première fois. Cet homme lui rappelait de cette série de bandes déssinées une épisode en particulier avec le titre: « Flieh, wenn der Schattenmann kommt ». Stein reconnut dans Hannibál le même Schattenmann de son enfance qui dévorait toute ambition et tous les rêves autour de lui avec son aura sinistre.

Il prit un moment avant de répondre à la question du Schattenmann. Il décida d’être franc.

« Hallo Schattenmann. Les fêtes nous ont laissés affamés, vous voyez. Maintenant ça va mieux. Mais c’est un cercle vicieux. Plus on consomme, plus on est consommé. Tout a son prix et mon amour me coute cher. »